Batailles d’influence, bras de fer politique, combats des chefs : la naissance et les premières années de l’ONF sont dignes d’un roman feuilleton où l’on croise l’ombre du général de Gaulle, les hommes forts du gouvernement Pompidou et, à quelques années de distance, un jeune ministre à l’ambition non dissimulée, Jacques Chirac.
Cette étonnante histoire commence en 1964. Edgard Pisani, ministre de l’agriculture, a de l’ambition pour son ministère et engage une grande réforme de l’administration centrale et déconcentrée. La forêt fait partie de ce chantier et le ministre a des idées très précises sur ce qu’il convient de faire. Sa conviction : la gestion de la forêt publique nécessite d’être dynamisée et l’administration des Eaux et Forêts – telle qu’elle est alors organisée – doit être profondément réformée dans cette perspective. Cette réforme doit se concrétiser, à ses yeux, par la création d’un établissement exclusivement dédié à la gestion des forêts publiques et doté d’une autonomie juridique et financière. Mais l’idée est loin de faire l’unanimité au sein du gouvernement et au Parlement. Egdard Pisani se bat contre vents et marées, parvient à obtenir l’assentiment du général de Gaulle et le feu vert de Georges Pompidou. Nous sommes en 1966, l’Office national des forêts fait ses premiers pas et un nouveau chapitre de l’histoire des forêts publiques commence.
Un homme a couché sur le papier cette aventure : Christian Delaballe. Membre de l’équipe chargée de rédiger les statuts du nouvel Office, cet ancien préfet se voit confier en 1965 – à sa surprise – la responsabilité de présider aux destinées du nouvel établissement.
Un préfet à la tête des forêts publiques ? La nouvelle laisse perplexe, au départ, une partie des ingénieurs des eaux et forêts. Mais le nouveau directeur général sait rapidement trouver les mots pour convaincre ses cadres, comme s’en souvient l’ingénieur Philippe Lacroix.
Un préfet à la tête des forêts publiques ? La nouvelle laisse perplexe, au départ, une partie des ingénieurs des eaux et forêts. Mais le nouveau directeur général sait rapidement trouver les mots pour convaincre ses cadres, comme s’en souvient l’ingénieur Philippe Lacroix.
Durant 9 ans, celui qui restera comme le premier directeur général de l’ONF met toute son énergie et sa passion à édifier et consolider l’Office. Lorsqu’il quitte son poste, en 1974, l’ONF est durablement installé dans le paysage institutionnel et forestier français. Désireux de raconter cette aventure professionnelle et humaine, Christian Delaballe décide de prendre la plume. Il la lâchera 300 pages plus tard en mettant un point final au manuscrit qu’il vient de rédiger et qu’il intitule : L’Office national des forêts ou le sentiment d’entreprendre. Oublié pendant plus de 40 ans et seulement connu de quelques lecteurs chanceux, ce manuscrit est édité aujourd’hui pour la première fois par l’ONF à l’occasion du cinquantenaire de l’établissement.
En voici quelques morceaux choisis.
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En voici quelques morceaux choisis.
« Pourquoi raconter cette histoire ? »
Le 30 mars 1974, Christian Delaballe quitte l’ONF après en avoir été le directeur général durant 9 ans. Dans l’introduction de son récit, il explique ce qui l’a poussé à raconter cette expérience.
La gestation difficile de l’ONF
Dès le départ, le souhait d’Edgard Pisani de créer un établissement public dédié aux forêts rencontre l’opposition vigoureuse du ministre des Finances, Valéry Giscard d’Estaing. Ce dernier voit d’un très mauvais œil la création d’une structure autonome qui priverait le budget de l’Etat des recettes de ventes de bois. Les deux hommes, qui ont tous deux des ambitions nationales élevées, ne se font pas de cadeaux et bataillent sous l’œil de Georges Pompidou. Qui l’emportera ?
La bataille parlementaire
16 novembre 1964 : le projet de loi portant création de l’ONF est approuvé en conseil des ministres. L’examen du texte devant les parlementaires est tout sauf une formalité : l’ancien président du Conseil René Pleven rassemble autour de lui les députés opposés à la création de l’Office et sonne la charge à l’Assemblée nationale. Si l’essentiel est sauvé, au final, la bataille parlementaire aura laissé quelques traces.
Un établissement sans siège ?
Où installer les bureaux du nouvel Office à Paris ? Janvier 1966 approche à grand pas et la quête de locaux s’avère difficile. C’est finalement à côté de la place de la Nation, dans le 12e arrondissement, que l’établissement pose ses bagages « à proximité du faubourg Saint-Antoine, le quartier du bois », souligne Christian Delaballe. « Les dernières scieries de Paris sont là et aussi l’école et le Centre technique du bois ». Cinquante ans plus tard, le quartier abrite toujours une partie du siège de l’ONF.
Un immeuble en forme de… morille !
Très tôt, Christian Delaballe ambitionne de faire construire un siège pour l’ONF sur les lieux où ses bureaux sont implantés, avenue de Saint-Mandé, dans le 12e arrondissement de Paris. La tâche se révèle plus délicate que prévue. Au-delà de freins rencontrés pour l’obtention du terrain, le premier projet architectural envisagé – un immeuble aux formes rectangulaires – rencontre l’opposition de Michel Jobert, le président du conseil d’administration de l’Office. « Un projet d’une navrante banalité ! » fait-il savoir à Christian Delaballe. Les architectes remettent leur ouvrage sur le travail et proposent… une tour parfaitement ronde ressemblant à une morille. Une proposition à laquelle Michel Jobert dira « oui ».
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